La sauvegarde de justice

La sauvegarde de justice est une mesure de protection de courte durée. Elle permet à un majeur d’être représenté pour accomplir certains actes de la vie courante. Cette mesure peut éviter de prononcer une tutelle ou une curatelle, plus contraignante. Le majeur conserve l’exercice de ses droits, sauf exception.

Il existe deux sauvegardes de justice par voie judiciaire. L’une a vocation à protéger la personne pendant l’instruction d’une demande de protection. La seconde répond à un besoin temporaire de protection d’une personne dont les facultés seraient provisoirement atteintes (sauvegarde de justice « ponctuelle » ou « rénovée).

Un mandataire judiciaire peut être nommé pour gérer la mesure : on parle alors de sauvegarde de justice avec désignation d’un mandataire spécial.

Ces deux formes de sauvegarde de justice cohabitent avec la sauvegarde médicale qui a pour origine la déclaration d’un médecin.

Les effets de la sauvegarde de justice

La personne placée sous sauvegarde de justice toutes formes confondues conserve l’essentiel de ses droits sauf exception : le divorce par consentement mutuel lui est interdit par exemple.

La personne ne pourra pas non plus accomplir d’acte que le juge aura confié – le cas échéant – à un mandataire spécial dans le cadre d’une sauvegarde de justice prononcée le temps de l’instruction.

C’est le juge qui détermine la durée de la sauvegarde de justice : un an renouvelable une fois.

Notre dossier

La sauvegarde de justice se décline en trois formes distinctes mais dans ce dossier nous ne traiterons que des sauvegardes de justice (sauvegarde de justice pendant la durée de l’instruction avec ou sans mandat et sauvegarde de justice ponctuelle) pouvant impliquer un mandataire judiciaire à la protection des majeurs.

Dans ce dossier nous présentons les différents types de sauvegardes justice, et les effets de la mesure sur le majeur protégé (sauvegarde de justice pendant la durée de l’instruction avec ou sans mandat et sauvegarde de justice ponctuelle).

Nous apporterons notamment des réponses précises et actualisées aux questions suivantes :

  • qu’est-ce que la sauvegarde de justice pendant la durée de l’instruction ?
  • qu’est-ce que la sauvegarde de justice ponctuelle (ou rénovée) ?
  • la notion de mandat dans la mise en œuvre d’une mesure de sauvegarde de justice ?
  • quand et comment prennent fin les mesures de sauvegarde de justice ?

Textes et lois de référence 

Code civil : articles 433 à 439 (De la sauvegarde de justice)

Code de procédure civile : articles 1248 à 1252-1 

1 – Les sauvegardes de justice par voie judiciaire

Les deux formes de sauvegarde de justice par voie judiciaire sont :

  • la sauvegarde de justice instaurée durant l’ouverture d’un régime de protection : elle protège l’intéressé pendant l’instruction d’une demande de protection ;
  • la sauvegarde de justice « ponctuelle » ou « rénovée » : elle offre une protection juridique temporaire ou pour l’accomplissement de certains actes déterminés.

1.1 – La sauvegarde de justice pendant la durée de l’instruction (de l’instance)

Le juge des tutelles, saisi d’une demande de tutelle ou de curatelle peut placer la personne qu’il y a lieu de protéger sous sauvegarde de justice pendant l’instruction du dossier qui peut être longue.

Pendant l’instruction, le majeur ne bénéficie d’aucune protection particulière. La sauvegarde de justice répond au besoin de protection de la personne vulnérable pendant la durée de l’instance.

Ce placement sous sauvegarde de justice dure le temps de l’instruction jusqu’à la prise de décision du juge : ouverture ou non d’une mesure de protection (tutelle ou curatelle).

En réponse aux situations d’urgence nécessitant une protection immédiate, le juge peut statuer sans avoir procédé à l’audition de la personne. En ce cas, il entendra celle-ci dans les meilleurs délais, sauf si, sur avis médical, son audition est de nature à porter préjudice à sa santé ou si elle est hors d’état d’exprimer sa volonté (art. 433 al. 2 du Code civil).

Mais la règle générale est qu’avant de prendre sa décision, le juge entende la personne à protéger. Celle-ci pourra être accompagnée par un avocat ou, sur accord du juge, d’une personne qu’elle a choisie.

Comme pour la requête si le juge n’a pas pris sa décision dans un délai maximal d’un an, l’ordonnance de sauvegarde de justice devient automatiquement caduque.

La décision du juge, transmise au procureur de la République, n’est susceptible d’aucun recours.

Les deux formes de sauvegarde de justice pendant la durée de l’instruction

  • avec mandat spécial : le juge des tutelles a la possibilité de désigner par ordonnance un mandataire spécial lorsque la personne protégée n’a pas la capacité d’accomplir seule des actes urgents et/ou importants. Cette décision interdit à la personne d’accomplir la série d’actes confiés au mandataire par le juge ;
  • sans mandat spécial : l’ordonnance de sauvegarde de justice sans mandat laisse au majeur sa capacité juridique et la libre gestion de ses intérêts patrimoniaux.

Selon que le placement sous sauvegarde de justice par voie judiciaire est assorti ou pas d’un mandat spécial avec la désignation d’un mandataire judiciaire, les droits de la personne seront différemment affectés.

Les mandats que la personne – avant sa mise sous protection – avait confiés à un parent ou un proche pour assurer l’administration de ses biens (procurations bancaires) restent valables pendant la sauvegarde de justice, sauf révocation ou suspension par le juge des tutelles (art. 436 du Code civil).

Le majeur peut donc continuer à se faire aider par cette même personne après son placement sous sauvegarde de justice.

Les actes passés par une personne sous sauvegarde de justice sont, par principe, valables. La personne conserve sa pleine capacité juridique et la libre gestion de ses biens qu’elle continue d’administrer comme elle l’entend. Elle peut par exemple acheter une voiture, vendre un bien, souscrire un contrat d’assurance-vie…

Protection du patrimoine

Le principal effet de la sauvegarde de justice sans mandat spécial est une protection à posteriori du patrimoine du majeur. Il réside en la possibilité de faire annuler ou réapprécier tout acte ou engagement passé par la personne durant la sauvegarde de justice dès lors qu’ils portent atteinte à ses intérêts (art. 435 du Code civil).

  • l’acte peut être annulé s’il est prouvé qu’il a été conclu sous l’empire d’un trouble mental (art. 414-1 du Code civil) ou si le contrat est manifestement déséquilibré et injuste pour la personne sous sauvegarde de justice, par exemple dans le cadre d’un abus de faiblesse ;
  • l’acte peut réapprécié, c’est à dire, faire l’objet d’une réduction pour excès. L’acte en lui-même n’est pas remis en cause sur le fond, mais sur sa forme (rééquilibrage du montant d’une transaction pour la vente d’un bien).

De manière générale, il est fait obligation aux proches de la personne (visés par l’article 430 du Code civil) de préserver son patrimoine. Ceux-ci sont tenus d’accomplir les actes conservatoires indispensables à la préservation du patrimoine de l’intéressé dès lors qu’ils ont connaissance de leur urgence et de l’ouverture de la mesure de sauvegarde. Ces dispositions valent également pour la personne – ou l’établissement – qui héberge la personne placée sous sauvegarde.

Des limites à la liberté d’agir

Certaines règles applicables aux majeurs sous tutelle ou sous curatelle sont également applicables aux personnes bénéficiant d’une sauvegarde de justice et limitent leur liberté d’agir.

Ces règles sont les suivantes :

  • le changement de régime matrimonial est soumis à l’autorisation du juge des tutelles (art. 1397 al. 7 du Code civil) ;
  • l’article 249-4 du Code civil interdit le divorce par consentement mutuel ou par acceptation du principe du divorce. Interdiction qui repose sur l’idée que la personne placée sous sauvegarde de justice ne peut donner un consentement libre et éclairé sur le principe du divorce et encore moins sur ses effets de ce dernier ;
  • si l’un des époux se trouve placé sous la sauvegarde de justice, la demande en divorce ne peut être examinée qu’après organisation de la tutelle ou de la curatelle ;
  • les articles L1121-8, L1231-2 et L1241-2 du Code de la santé publique interdisent ou restreignent la participation des personnes majeures placées sous protection judiciaire à des recherches biomédicales, et interdisent le prélèvement d’organes, de tissus ou de cellules (sauf exception) en vue d’un don.

Sous cette forme de sauvegarde de justice, la liberté d’agit de la personne est plus limitée. En effet, elle ne pourra, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial a été désigné en application de l’article 437 du Code civil.

Un mandataire spécial peut être nommé par le juge s’il estime que la personne à protéger ne jouit pas au moment requis des facultés suffisantes pour gérer ses biens, ou que son environnement (procuration, gestion d’affaires, personne de confiance) n’est à même de prendre les bonnes décisions.

La mission du mandataire est alors délimitée et clairement précisée dans l’ordonnance qui est rendue :

  • le mandataire peut se voir confier une mission générale d’administration des biens (gestion des revenus et des dépenses par exemple) ;
  • sa mission peut revêtir un caractère limité à certains actes ponctuels inclus les actes de disposition comme la vente d’un bien immobilier (art. 437 du Code civil) ;
  • le mandataire spécial peut également se voir confier une mission ayant trait à la protection de la personne dans le respect des articles 457-1 à 463 du Code civil (Des effets de la curatelle et de la tutelle quant à la protection de la personne), lorsque par exemple une décision en matière médicale est à prendre d’urgence.

Les personnes susceptibles d’être désignées comme mandataire spécial sont les mêmes que celles désignées par le juge au titre de curateur ou de tuteur, soit :

  • la famille et en premier lieu, le conjoint, le partenaire de PACS ou le concubin est désigné, et, à défaut, un autre membre de la famille ou un allié ;
  • toute personne résidant avec le majeur ou entretenant avec lui des liens étroits ou stables ;
  • un mandataire judiciaire professionnel (MJPM).

L’ordonnance de sauvegarde de justice avec désignation d’un mandataire spécial n’est pas susceptible de recours, mais un recours est possible sur le choix du mandataire ou sur le contenu de ses missions.

Le mandataire spécial doit rendre compte de sa gestion auprès du greffe du tribunal d’instance (articles 510 à 514 du Code civil : de l’établissement, de la vérification et de l’approbation des comptes). Il établira un compte de gestion accompagné de pièces justificatives.

Sa mission ouvre au mandataire spécial le droit à une rémunération.

La mission du mandataire judiciaire s’éteint dès lors que les actes prévus dans l’ordonnance sont effectivement accomplis ou avec l’arrêt de la mesure de protection – la personne ayant retrouvé ses pleines capacités – ou du fait de son décès.

Le mandataire spécial peut être désigné curateur ou tuteur si le juge prononce une mesure de mise sous tutelle ou de curatelle.

1.2 – La sauvegarde de justice ponctuelle (ou rénovée)

Cette sauvegarde est une innovation de la loi de 2007 qui réforme le régime des majeurs protégés.

Il s’agit d’une protection judiciaire ponctuelle permettant à une personne dont les facultés sont altérées d’être représentée ou assistée pour l’accomplissement de certains actes spécifiques (art. 433 al. 1 du Code civil). Il peut s’agir d’un acte relevant de sa vie personnelle ou de la gestion de son patrimoine (actes de disposition tels que la vente d’un bien, l’acceptation d’une succession ou toute opération ne pouvant être réalisée dans le cadre des procurations en place…)

Placé sous sauvegarde de justice ponctuelle le majeur sera suffisamment protégé juste le temps d’effectuer l’acte.

Cette mesure délimitée dans le temps permet d’éviter à la personne la mise sous tutelle ou sous curatelle plus contraignantes.

Cette mesure fait l’objet d’une procédure identique à celle exigée par les demandes de mise sous tutelle ou curatelle.

La requête doit être accompagnée d’un certificat circonstancié (art. 431 du Code civil) aux conditions prévues à l’article 1219 du Code de procédure pénale (produit par un médecin habilité figurant sur une liste annuelle établie par le procureur de la République.)

Les personnes visées par l’article 430 du Code civil peuvent déposer une requête aux fins de protection d’un majeur. La demande s’effectue sur le formulaire cerfa n°15891*03 « requête en vue d’une protection juridique d’un majeur (habilitation familiale ou protection judiciaire) ».

Pour être recevable, la requête doit désigner la personne à protéger, énoncer précisément les circonstances qui appellent cette protection, énumérer les proches parents dont l’existence est connue, indiquer leur nom et leur adresse ainsi que ceux du médecin traitant.  Son contenu est fixé à l’article 1218-1 du Code civil.

Pour établir l’altération des facultés mentales ou corporelles, la demande doit être accompagnée d’un certificat médical délivré par un médecin spécialiste choisi sur une liste, à disposition au greffe, établie par le procureur de la République. Le coût du certificat médical est de 192 € (160 € hors taxe). Des frais de déplacement peuvent s’ajouter.

La demande de protection doit être présentée au juge des tutelles du tribunal d’instance du domicile ou du lieu d’hospitalisation de la personne concernée.

Le majeur à protéger sera en principe auditionné au cours de la procédure. Cette audition a lieu usuellement au siège du tribunal, mais elle peut se tenir – si les circonstances l’imposent – au domicile de la personne ou dans l’établissement de soins où elle se trouve. 

La personne peut être dispensée d’audition si celle-ci risquait d’aggraver son état de santé.

Dans le but de disposer d’une information aussi complète que possible sur sa situation, le juge recueille les avis des parents, alliés et amis de la personne à protéger. Il peut les consulter par écrit en leur adressant un questionnaire.

Un conseil de famille « informel » peut également être réuni pour savoir si une protection s’avère opportune.

Le juge recueillera l’avis du procureur de la République avant de rendre son jugement.

Le placement sous sauvegarde de justice n’est pas susceptible de recours en application de l’article 1249 du Code civil).  Seule la décision par laquelle le juge des tutelles désigne un mandataire spécial peut faire l’objet d’un recours (art. 1230 et art. 1230-1 du Code civil)

Réexamen

Avant la fin de la mesure de protection juridique, les personnes qui l’ont demandée peuvent adresser au juge des contentieux de la protection une demande de réexamen de la personne protégée. Elles doivent utiliser le formulaire cerfa 14919*04 « Requête au juge des tutelles – Nouvel examen d’une mesure de protection judiciaire d’un majeur. »


TutSpeed®

Le logiciel de gestion des mesures de protection juridique.

Demandez
votre devis personnalisé

2 – La sauvegarde médicale

La sauvegarde médicale résulte d’une procédure médicale particulière prévue à l’article L 3211-6 du Code de la santé publique et l’article 434 du Code civil. Elle concerne des adultes vulnérables dont les problèmes sont temporaires ou durables. La demande de sauvegarde médicale résulte d’une déclaration d’un médecin adressée au procureur de la République.

Le juge des tutelles n’intervient pas pour la mise en place d’une sauvegarde médicale et son suivi n’entre pas dans le périmètre des MJPM (mandataires judiciaires à la protection des majeurs).

3 – Fin des mesures de sauvegarde de justice

La sauvegarde de justice prend fin, au plus tard, un an après son ouverture (art. 439 du Code civil).

Elle peut être renouvelée une fois pour une année supplémentaire, uniquement par le juge des tutelles, saisi par le procureur de la République, par le médecin, ou par une personne visée à l’article 430 du Code civil (personnes à l’origine de la demande).

La décision de renouvellement décidée par le juge s’appuie sur un certificat médical circonstancié et après audition du majeur, sauf urgence.

En vertu de l’article 439 du Code civil (alinéa 1) : «La mesure de sauvegarde de justice ne peut excéder un an, renouvelable une fois dans les conditions fixées au quatrième alinéa de l’article 442.

La décision du juge se conformera à l’avis d’un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République (art. 431 du Code civil).

Le juge ne peut renforcer le régime de protection de l’intéressé que s’il est saisi d’une requête portée par l’une des personnes mentionnées à l’article 430 du Code civil.

« La demande est accompagnée, à peine d’irrecevabilité, d’un certificat circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République. Ce médecin peut solliciter l’avis du médecin traitant de la personne qu’il y a lieu de protéger » (art. 431 al. 1 du Code civil)

3.1 – Fin de la sauvegarde de justice sans mandat spécial

En dehors du décès du majeur protégé, il existe trois scénarios de fin de mesure :

  • automatiquement à l’expiration du délai qui a été défini dans l’ordonnance (cette durée peut être inférieure à un an) ou après l’accomplissement des actes pour lesquelles elle a été ordonnée ;
  • sur décision du juge des tutelles dans le cadre d’un « non-lieu à une mise sous protection juridique » (la personne retrouve son autonomie du fait de l’amélioration de son état de santé) ;
  • sur prononcé par le juge des tutelles d’une mise sous curatelle ou sous tutelle de la personne protégée (ou placement sous un régime d’habilitation familiale ou d’habilitation entre époux).

3.2 – Fin de la sauvegarde de justice avec mandat spécial

En dehors du décès du majeur protégé, il existe trois scénarios de fin de mesure :

  • automatiquement à l’expiration du délai qui a été défini dans l’ordonnance (cette durée peut être inférieure à un an) ou après l’accomplissement des actes pour lesquelles elle a été ordonnée ;
  • sur décision du juge des tutelles dans le cadre d’un « non-lieu à une mise sous protection juridique » (la personne retrouve son autonomie du fait de l’amélioration de son état de santé) ;
  • si le juge considère que la mission du mandataire est achevée (la sauvegarde de justice, seule, pouvant être maintenue) ;
  • sur prononcé par le juge des tutelles d’une mise sous curatelle ou sous tutelle de la personne protégée (ou placement sous un régime d’habilitation familiale ou d’habilitation entre époux).

3.3 – Fin de la sauvegarde de justice dite « rénovée »

  • automatiquement au bout d’un an si elle n’a pas été renouvelée ;
  • lorsque les actes qui avaient justifié la sauvegarde ont été accomplis (si le juge a précisé ce terme dans sa décision) ;
  • par décision expresse de mainlevée prise par le juge.

4 – Publicité des mesures de sauvegarde de justice

Contrairement à une mesure de tutelle ou de curatelle, une mesure de sauvegarde de justice ne fait pas l’objet d’une inscription dans le registre de l’état civil (extrait d’acte de naissance) mais seulement sur un répertoire tenu par les services du procureur de la République. L’accès à ce répertoire est limité aux autorités judiciaires, aux proches de la personne placée sous sauvegarde de justice ou à des huissiers, avocats ou notaires, sur demande motivée.

Consulter sur service-public.fr

Sauvegarde de justice