Les alternatives aux mesures de protection juridique

Mandat de protection future, désignation anticipée d’un tuteur ou d’un curateur et mesure d’accompagnement judiciaire sont trois alternatives permettant de faire face à des situations privant la personne – temporairement parfois – de la possibilité de pourvoir seule à ses intérêts.

Si les mesures de tutelle, de curatelle et de sauvegarde de justice apportent une protection nécessaire et graduée aux personnes vulnérables, il n’est pas systématiquement nécessaire d’y avoir recours. En effet, il existe d’autres mesures moins contraignantes.

Des mesures moins contraignantes

Parmi ces mesures, certaines permettent d’anticiper l’altération future de ses capacités par la mise en place de dispositifs dont la mise en œuvre est différée dans le temps : mandat de protection future, désignation anticipée de son tuteur.

Ces mesures d’anticipation devront avoir été envisagées par l’individu en pleine possession de ses moyens.

La mesure d’accompagnement judiciaire (MAJ), est proposée en cas d’échec d’une mesure d’accompagnement social personnalisée (MASP) et ne concerne que la gestion des prestations sociales.

Cette dernière mesure est obligatoirement exercée par un MJPM (mandataire judiciaire à la protection juridique) rémunéré.

Notre dossier

Dans ce dossier nous apportons notamment des réponses précises et actualisées aux questions suivantes :

  • quels sont les différents mandats à l’œuvre dans le mandat de protection future ?
  • actes sous seing  privé ou actes notarié : quelles différences dans le cadre d’un mandat de protection future ?
  • tuteur ou curateur désignés de manière anticipée : place du MJPM ?

1 – Le mandat de protection future

Textes et lois de référence 

Articles 477 à 494 du Code civil

Le mandat de protection future est un contrat par lequel une personne majeure (appelée mandant) désigne à l’avance une ou plusieurs personnes (appelée(s) mandataire(s) pour la représenter le jour où elle ne sera plus en capacité de gérer ses intérêts.

Le mandataire pourra protéger les intérêts personnels et/ou patrimoniaux du mandant.

Purement conventionnel, le mandat de protection future limite l’intervention du juge des contentieux à l’apparition de difficultés à l’occasion de son exécution.

1.1 – Le mandant et le mandataire

La personne qui anticipe sa protection par un mandat de protection future doit être doit être en pleine possession de ses moyens et de ses facultés intellectuelles au moment de la rédaction du mandat.

Toute personne majeure (ou mineure émancipée) ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut conclure un mandat de protection future.

Les deux types de mandats : la  protection pour soi et la protection pour autrui

  • le mandat de protection pour soi consistera à faire gérer son patrimoine ou sa personne par un tiers, le jour où l’on ne sera plus capable de pourvoir seul à ses intérêts ;
  • le mandat de protection pour autrui pourra être signé par les parents d’un enfant mineur sur lequel ils exercent l’autorité parentale ou d’un enfant majeur dont ils ont la charge matérielle et affective au moment de la signature du mandat. Cet enfant doit être atteint d’une altération de ses facultés l’empêchant d’exprimer sa volonté.

Le mandat pour autrui doit obligatoirement être rédigé sous forme notariée et il ne s’ouvrira qu’au décès des parents ou dès qu’ils seront incapables d’assurer leur mission.

La personne en curatelle ne peut conclure un mandat de protection future qu’avec l’assistance de son curateur (art. 477 du Code civil).

Le mandataire peut être une personne morale ou physique choisie par le mandant et inscrite sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs prévue à l’article L. 471-2 du Code de l’action sociale et des familles.

Le mandataire doit, pendant toute l’exécution du mandat, jouir de la capacité civile. Ne peuvent donc pas être désignés comme mandataire de protection future les majeurs placés sous mesure de protection juridique, les mineurs non émancipés…

Première des obligations faites au mandataire, celle d’accepter et de signer le mandat.

Il devra personnellement exercer sa mission, rendre compte de son exécution et répondre de ses fautes de gestion. Le mandataire ne peut, pendant cette exécution, être déchargé de ses fonctions qu’avec l’autorisation du juge des tutelles.

Le mandat est exercé à titre gratuit sauf convention contraire (art. 1986 du Code civil). Lorsque le mandataire exerce dans le cadre de son activité professionnelle habituelle, les modalités de sa rémunération figurent au mandat. Les conditions de la rémunération du mandataires sont fixées librement.

1.2 – Le formalisme du mandat de protection future

Le mandat peut porter sur la protection de la personne, sur celle de ses biens ou sur les deux. La protection des biens et celle de la personne peuvent être confiées à des mandataires différents. Le mandant est un acte réalisé sous seing privé ou devant notaire.

Les mentions obligatoires du mandat :

  • le nom du ou des futurs protecteurs ;
  • la signature du ou des protecteurs, qui vaut acceptation du mandat et de ses missions ;
  • les actes pour lesquels il est souhaité que le protecteur agisse à la place du mandant dans le futur ;
  • les modalités de contrôle et la rémunération de la personne – le cas échéant – quand l’acte est établi sous seing privé.

Le mandat de protection future peut être établi sous seing privé ou dans le cabinet d’un notaire. Il est nécessaire de veiller à conserver précieusement l’acte constituant le mandat de protection future. Il devra être transmis au juge pour activation.

Le choix de la forme est laissé au mandant qui doit savoir que l’étendue de la protection sera différente selon la nature du mandat.

La forme est libre s’il est contresigné par un avocat. Sinon il doit être établi selon le modèle défini par le Conseil d’État en utilisant le formulaire Cerfa 13592*04 « Mandat de protection future » accompagné d’une notice explicative Cerfa n° 51226.

Le mandat est limité aux actes qu’un tuteur peut faire sans autorisation, soit, aux actes d’administration ou de conservation des biens désignés sur le mandat.

Le mandataire devra demander son autorisation au juge pour l’accomplissement d’un acte soumis à autorisation (actes de disposition tels que la vente d’un bien) ou pour l’accomplissement d’un acte d’administration ou de conservation non prévu par le mandat (art. 493 du Code civil).

Le contrôle des actes du mandataire est confié à un membre de la famille ou à un professionnel.

Le contenu du mandat notarié est libre. Tous les actes patrimoniaux (de conservation, d’administration et de disposition), à l’exception des actes gratuits (type donation), peuvent être confiés au mandataire.

Ce dernier devra demander autorisation au juge pour l’accomplissement d’actes de disposition à titre gratuit (art. 490 du Code civil).

Le mandataire ne pourra exercer d’actions relatives au logement (principal et secondaire) du mandant sans autorisation du juge. De même pour ses comptes bancaires.

Le notaire détient un pouvoir de surveillance sur la gestion effectuée par le protecteur. A cette fin, celui-ci lui transmet justificatifs et comptes de gestion. Le notaire interviendra s’il constate une irrégularité mais il pourra aussi transmettre au juge en cas de doute.

1.3 – Déclenchement et fin du mandat

« Le mandat prend effet lorsqu’il est établi que le mandant ne peut plus pourvoir seul à ses intérêts » (art. 481 du Code civil).

A cette fin, le mandataire doit se présenter en personne – au greffe du tribunal judiciaire dans le ressort duquel réside le bénéficiaire du mandat – avec la copie authentique du mandat signée des deux parties.

Il produira un certificat médical émanant d’un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République (art. 431 du Code civil) établissant que la personne se trouve « (… ) dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté (…) » (art. 425 du Code civil).

Les pièces suivantes doivent aussi être produites en application de l’article 1258 du Code de procédure civile :

  • une pièce d’identité relative au mandataire et au bénéficiaire du mandat ;
  • un justificatif de la résidence habituelle du bénéficiaire du mandat.

Le mandataire se présente accompagné du mandant, sauf si un certificat médical établit que le déplacement est incompatible avec son état de santé.

Le greffier appose son visa sur le mandat et le restitue avec les pièces justificatives au mandataire – l’acte prend alors effet – une fois les documents vérifiés.

S’il estime les conditions non remplies, le greffier restitue, sans le viser, le mandat au mandataire. Celui-ci peut saisir le juge.

Le mandat prend fin dans les cas suivants :

  • le mandant retrouve ses facultés, rétablissement constaté par certificat médical dressé par un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République ;
  • le mandant et/ou le mandataire (sauf si désignation anticipée d’un autre mandataire
  • par le mandant) décèdent ;
  • le mandat est contesté par tout intéressé auprès du juge des tutelles ;
  • le mandat n’est plus une protection suffisante et l’état de la personne requiert une mesure plus adaptée (tutelle ou curatelle) ;
  • la renonciation du mandataire ou son placement sous mesure de protection juridique.

Sur décision du juge, d’autres événements peuvent mettre fin au mandat de protection future :

  • le mandat est révoqué pour les causes visées par l’article 483 al. 4 du Code civil 
  • et notamment « lorsque l’exécution du mandat est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant » ;
  • le certificat médical est remis en cause ;
  • une mesure de protection juridique est ouverte (art. 485 du Code civil).

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2 – La désignation anticipée d’un tuteur ou d’un curateur

2.1 – Anticiper une incapacité future

Par la loi du 5 mars 2017, toute personne majeure peut désigner « une ou plusieurs personnes chargées d’exercer les fonctions de curateur ou de tuteur pour le cas où elle serait placée en curatelle ou en tutelle. » (art. 448 du Code civil)

La désignation anticipée est également permise aux parents anticipant la nécessité à leur décès (ou en raison d’une inaptitude future) d’une mise sous tutelle ou sous curatelle de leurs enfants mineurs ou majeurs à charge. Cette possibilité implique que les deux parents agissent conjointement et ne soient pas eux -mêmes placés sous tutelle ou curatelle.

Le curateur ou le tuteur envisagé peut être un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, un travailleur social exerçant au sein d’associations tutélaires… 

La désignation anticipée par le majeur s’impose au juge et place le protecteur au premier rang dans l’ordre des personnes susceptibles d’être désignées par le juge. Toutefois, il peut ne pas suivre cette désignation si «la personne désignée refuse la mission ou est dans l’impossibilité de l’exercer ou si l’intérêt de la personne protégée commande de l’écarter. En cas de difficulté, le juge statue. (art. 448 al. 1er du Code civil)

2.2 – Le formalisme de l’acte

La désignation se fait par un acte notarié dûment enregistré ou par un acte sous seing privé, acte écrit en entier, daté et signé de la main du majeur concerné. (art. 1255 du Code de procédure civile)

L’acte sous seing privé sera à conserver précieusement par la personne désignée tuteur ou curateur. En effet, il devra être transmis au juge des tutelles pour activation. Cet acte toutefois n’est pas suffisant et la procédure sera à poursuivre selon les règles de droit commun : requête et certificat médical circonstancié constatant l’altération des facultés de la personne à protéger (art. 425 du Code civil).

Il n’existe pas de formalité de publicité pour la désignation anticipée du tuteur ou du curateur.

3 – Mesure d’accompagnement judiciaire (MAJ)

Textes et lois référence 

Articles 495 à 495-9 du Code civil

Une mesure d’accompagnement judiciaire (MAJ) est proposée en cas d’échec d’une mesure d’accompagnement social personnalisée (MASP). Mesure judiciaire, elle est contraignante à la différence de la MASP. Elle n’est pas accompagnée d’un contrat et s’impose au majeur. 

« Lorsqu’une mesure d’accompagnement social personnalisé (MASP) mise en œuvre au profit d’une personne majeure n’a pas permis une gestion satisfaisante par celle-ci de ses prestations sociales, et que sa santé ou sa sécurité en est compromise, le juge des tutelles peut ordonner une mesure d’accompagnement judiciaire (MAJ) destinée à rétablir l’autonomie de l’intéressé dans la gestion de ses ressources » (art. 495, al. 1er du Code civil).

La mesure d’accompagnement judiciaire porte sur la gestion des prestations sociales choisies par le juge, lors du prononcé de celle-ci, dans une liste fixée par décret.

3.1 – Prononcé de la mesure

La MAJ ne peut être prononcée « qu’à la demande du procureur de la République qui en apprécie l’opportunité au vu du rapport des services sociaux prévu à l’article L. 271-6 du code de l’action sociale et des familles » (art.495-2 du Code civil).

La mesure est prononcée par le juge des tutelles après audition de la personne concernée.

Cette mesure ne prive pas la personne de sa capacité juridique : elle peut continuer à effectuer seule tous les actes de la vie civile.

3.2 – Désignation du MJPM

La mesure d’accompagnement judiciaire implique la désignation d’un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM) détenteur de la mention MAJ dans son CNC MJPM (certificat national de compétence). Celui-ci perçoit les prestations incluses dans la mesure qu’il gère dans l’intérêt de la personne en tenant compte de son avis et de sa situation familiale.

« Il exerce auprès de celle-ci une action éducative tendant à rétablir les conditions d’une gestion autonome des prestations sociales » (art. 495-7 du Code civil).

Le mandataire judiciaire est choisi par le juge parmi ceux inscrits sur une liste dressée et tenue à jour par le préfet.

La mesure est financée par l’organisme débiteur des prestations sociales. Une participation financière est demandée à l’adulte dès lors que ses ressources sont supérieures au montant annuel de l’allocation aux adultes handicapés. 

3.3 – Fin de la mesure

Le juge fixe la durée de la mesure. Elle ne peut excéder deux ans.

Le renouvellement peut être demandé par les personnes suivantes sans que la durée totale puisse excéder quatre ans (art. 495-8 du Code civil) :

  • la personne protégée ;
  • le mandataire judiciaire à la protection des majeurs ;
  • le procureur de la République.

Le juge peut décider de modifier la mesure ou d’y mettre fin, soit d’office, soit sur demande du mandataire judiciaire à la protection des majeurs, du procureur de la République ou de la personne protégée elle-même. La mesure prend fin automatiquement lorsqu’une mesure de protection juridique est ouverte (sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle).